secretsdecuisine - La matardiste
   
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LE VRAI ROTI DE BOEUF

 

 

Prenez une belle pièce de bœuf, bardée. Comptez 200 à 250g par personne.

Piquez la d’ail et posez sous la ficelle les herbes qui vous plaisent (laurier, thym, herbes de Provence…). Posez dessus quelques noix de beurre et un filet d’huile d’olive.

Enfournez pendant 15 minutes à 200°C. (Cela correspond à la cuisson des 500 premiers grammes du rôti).  Sortir et retirer la barde.

Remettez au four pendant 10 minutes si vous l’aimez rosé, 13 minutes si vous le préferez plus cuit, pour chaque demi livres restantes.

A la fin de la cuisson, salez et enroulez le rôti dans du papier aluminium. Attendre 5 minutes, cela permet au sang du rôti de bien se répartir et d’attendrir la viande.

Servez avec l’accompagnement que vous aimez.

A éviter : le mélange viande et pomme de terre, une vraie bombe à retardement dans l’estomac…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La matardiste

 

 

J’ai quarante ans et je viens d’accoucher de mon premier enfant. Je suis une matardiste, une mère tardive.

Jusqu’à cette grossesse, et depuis mes trente ans, j’ai fait peur. A ma famille surtout. J’étais le cas désespéré, celle qui finira célibataire et qui regrettera toute sa vie de ne pas avoir eu d’enfant. Cette conversation, avec ma mère, mon frère ou ma sœur, je l’ai eu mille fois et chaque fois elle tournait en eau de boudin.

Les arguments de ma mère :

Il était sympa le copain que tu a amené la dernière fois. Vous en êtes où ensemble ? Pour le cul ??? Evite de parler comme cela, si tu ne te respectes pas toi-même, aucun homme ne te respectera, et tu sais les filles que l’on épouse sont celles que l’on respecte. Bon, il n’est pas super, mais il ferait un mon mari, ou alors pacse toi si tu ne veux pas te marier. De toute façon, tu ne trouveras jamais un homme avec qui tu ne t’ennuieras jamais. Tu sais moi avec ton père… Chérie, tu as trente cinq ans maintenant ! Tu le dis toi-même, tous tes amis ont des enfants, construit une famille, et toi tu te traînes… Tu ne mérites pas ça. Toi aussi il te faut le bonheur. Allez va, fais moi plaisir, trouve quelqu’un et arrête de vouloir qu’il soit comme si ou comme ça, tu n’es pas si formidable toi.

Les arguments de mon frère :

Ah non, je ne crois pas qu’un homme qui baise avec une fille a dans la tête de faire sa vie avec elle, même si, enfin surtout, si la fille est une bombe au lit, c’est louche. Tu sais, un homme il veut dominer, il veut pas se sentir un moins que rien parce sa copine est mieux que lui en tout, et surtout au lit. Et puis, merde, t’avais qu’à rester avec celui qui t’a tout appris, au moins, il se sentait mieux que toi puisqu’il t’a tout appris. T’es folle ! Non, non, non, je ne te présente pas me potes, hein, pas touche, ça fait que des histoires après. Et puis j’ai pas envie qu’ils se foutent de ma gueule parce que tu es la meilleure suceuse du quartier. Merde Sara, sois plus responsable, fais ta vie, trouve toi quelqu’un !

Les arguments de ma sœur

Moi je te comprends plus, tu dis que tu veux toi aussi faire des enfants et le lendemain tu dis que tu n’en auras jamais. Tu sais tu arrive à une age où du vas devoir FAIRE ce choix : en avoir ou pas, et le temps passe plus vite que tu ne le crois. Crois moi ! Regarde, même Livia elle l’a eu son gosse, pourtant elle est moche, bête, méchante, enfin, la vie l’a pas gatée quoi, et la dessus, elle te bat ! Tu vas faire quoi Sara ? Une insémination artificielle à 40 ans ? Autant adopter, tu aurais plus de chance, et puis les filles qui disent qu’elle vont adopter… Mais les mecs que tu rencontres ils ne sont vraiment pas sympas ? A la limite tu en prends un que tu aime bien et tu fais un gosse, tu le mets devant le fait accompli et... Et puis déjà, si tu arrêtais de les rencontrer dans les bars tes mecs, ce serait une bonne chose.

 

J’ai commencé à travailler vers 20 ans dans une agence de pub où j’étais assistante d’un directeur artistique. J’ai couché avec lui et ça a duré quelques années. J’ai évolué dans mon travail. Ma relation de proximité avec le DA m’a permis d’en apprendre beaucoup sur le métier, mais j’ai fait mon chemin honnêtement et je ne me suis jamais servie de cette relation pour monter. Je suis passée assistante de chef de projet sur les gros budgets de l’agence, puis chef de projet puis DC (directrice de clientèle). Tout ça en 6 ans, j’étais très enviée.

J’étais la fierté de mes parents, de ma sœur et de mon frère qui peinait avec son CAPES d’anglais et qui s’était mis dans la tête qu’il pourrait devenir concepteur rédacteur vu qu’il avait fait des études de langues et de lettres. Il a mal pris que je refuse de l’aider, jusqu’à ce qu’il finisse par l’avoir son CAPES et maintenant il est prof dans un lycée, ce qui lui va très bien. Ma sœur, elle, a choisi le monde rassurant de la finance, et pire des assurances, où, dans sa grande entreprise elle se sentait confortée d’être en contact avec les meilleurs, la crème de la crème, recrutée à prix d’or pour rassurer le monde en vendant de l’assurance. Dans sa boîte, ma sœur a rencontré son grand amour et après un an de fréquentation, ils se fiancèrent… à l’église, puis se marièrent… à l’église, puis eurent des enfants qu’ils baptisèrent… à l’église. A 25 ans elle venait d’avoir son deuxième et pensait que le troisième ne devrait pas trop tarder car à 30 ans elle voulait être totalement débarrassé de la corvée des enfants pour mieux se consacrer à sa carrière. La nounou s’en occuperait et son mari et elle pourraient rentrer tard le soir sans que cela ne nuise à leur couple ou à l’équilibre de leurs enfants.

Lorsque j’entendais ma sœur parler, j’étais fatiguée de vivre. Elle était de deux ans mon aînée et s’inquiétait chaque année que ma vie amoureuse soit si vide de sens. Je finissais toujours démoralisée après nos rencontres et me demandais ce que j’avais si mal fait pour qu’aucun homme ne veuille de moi, ou plus exactement pour que je ne veuille d’aucun homme.

J’aimais les rencontres puissantes, celles qui laissent des traces dans la tête, dans le corps, dans les souvenirs. Elles n’arrivent pas souvent mais je les attends. Je veux un homme puissant qui serait là sans avoir besoin de l’être. Hugues le DA n’était âgé que de 30 ans lorsque je l’ai rencontré, il était ouvert, curieux de tout et il avait l’assurance de son age et de sa beauté, comme moi je l’aurais plus tard. Il m’a beaucoup appris, sur mon corps, mon plaisir, mais aussi sur ma force personnelle, sur l’exigence. Il m’a montré un chemin dangereux en me prévenant des risques. Celui de tout vouloir au mieux. D’exiger ce qui n’existe pas au risque de ne jamais le trouver. Au début, je pensais que c’était lui, Hugues, que je voulais. Je faisais tous les efforts pour m’améliorer et trouver le chemin de la perfection qui s’ouvrait devant moi. Et puis un jour j’ai trouvé Hugues trop petit pour moi. Ce jour là, je l’avais dépassé. En larmes devant moi, il m’expliquait qu’il allait se marier avec une fille qu’il avait rencontrée quelques mois plus tôt. Elle était tombé enceinte et voulait garder le bébé. Lui ne savait pas. Il ne voulait contrarier personne et ne pouvait se résigner à lui demander d’avorter, car ce choix elle seule l’avait, de tuer ou non ce qu’elle avait dans son ventre. Je le laissais à ses doutes sans le consoler. Je n’avais que faire d’un futur gentil petit mari loin de son bonheur, contrairement à toutes les leçons de vie qu’il m’avait donné. Je n’en étais même pas triste. Je démissionnais et trouvais très vite du travail dans une autre agence.

Je décidais alors de me servir en mecs, ils me semblaient tous si petits que leur seule fonction utile à mes yeux était le sexe.

J’avais 27 ans, je resplendissais, je courais tous les matins ce qui donnait à mon teint une fraîcheur de magazine et à mon corps une allure de rêve. Je rencontrais des hommes en tous genres, du chef de start up à l’informaticien branché, du patron d’usine au vendeur dans des magasins de luxe. Tous, sans surprise, correspondaient à leur rôle, avec l’assurance ou les doutes propres à leur statut et leur environnement, avec leur bizarrerie qui se voyait dès le premier verre. Celui qui a six orteils, celui qui se brosse les dents avant d’embrasser, celui qui ne connaît qu’une seule position, celui qui vit encore dans ses meubles d’étudiant, celui qui aime les femmes avec des piercing, celui qui envisage une liposucion, celui qui prend des douches italiennes. Ils me fatiguaient tous mais je m’en servais comme joujou. Pour les soirées chez les amis, je les choisissais en fonction de mes tenues, un BCBG, un destroy, un funky, un super trendy. Mes amis étaient épatées et les appelaient mes « sacs à main ».

Moi j’étais dépitée et me mis à apprendre la cuisine. Une lubie bien sur, mais au moins, je n’avais pas besoin de compter sur un crétin pour me sortir le soir pour dîner et je pouvais vraiment choisir si je sortais ou pas. En plus cela m’évitait de finir avec un sandwich grec ou un hamburger. Ca me plaisait et ma mère y voyait un signe positif, pensait que je me prenais en main et que j’apprenais à m’occuper d’un homme. Bien que la motivation reposait sur tout le contraire, elle ne voulait rien voir.

A 30 ans mes amies commençaient à avoir des relations stables, avec des idiots qui voulaient se poser. Elles étaient surtout rassurées que cela leur arrive enfin et faisaient tout pour que ça dure. Fini les petits dîners chez moi, mes petits plats ou mon fameux rôti. Elles arrêtaient tout simplement de sortir pour s’occuper de leur couple et se contentaient d’une tournée de coups de téléphone rapides tant que l’autre était sous la douche. Je sentais l’ennui dans leur voix mais je ne disais rien. Elle ne racontaient généralement rien d’excitant et parlaient toujours en disant « nous ». Moi je pensais que lorsque je disais « je », il se passais quelque chose : « je » suis allé au cinéma et après « je » suis montée dans un taxi pour la gare et « je » suis partie à Deauville manger des fruits de mer et changer d’air. « Je » viens de rencontrer un mec trop bizarre, il me donne des petites claques quand il a envie de faire l’amour, « je » l’ai laissé tomber sans même l’avoir essayé. « Nous » sommes allés au cinéma et après « nous » sommes rentrés à pied. « Nous » avons croisé Deborah, celle qui était en première année avec « nous », elle est enceinte maintenant, elle va se marier. « Nous » sommes invités, c’est gentil, non ?

A 35 ans mes amies pouponnaient et j’étais devenue l’indésirable des familles parce que je restais désespérément célibataire. Elles imaginaient que je faisais la fête tous les soirs alors que je leur affirmais, cyniquement, qu’elles avaient bien plus de nuits blanches que moi. Humour déplacé… Mais qui pense à moi quand elles m’invitent à prendre un café qui est en fait un goûter d’enfants dans ces horribles endroits assez spacieux pour y mettre des poussettes, et qu’elles se mettent toutes à ne parler que d’enfants, de maîtresse, de bave, de nourriture ou de mouchage de nez ? Qui pense à moi quand je me demande 8 fois par seconde ce que je fais là ? Et qui pense à moi lorsque je rentre seule, épuisée par le bruit des moufflets, n’ayant même plus la force de regarder la télé. Et qui pense réellement à moi quand il me demande « qu’est ce que tu attends pour en faire ? ». N’est-ce pas penser en fait à eux ? Pour les rassurer que la normalité est dans la famille et que ceux qui y dérogent ne sont pas normaux. Combien de fois m’ont-ils envié de dormir, de pouvoir sortir comme je veux, d’être libre, et même de baiser. Et combien de fois m’ont-ils évitée pour éviter de se poser toutes ces questions et pour éviter d’en chercher la réponse, pour éviter de se demander si finalement, ils n’avaient pas mieux fait d’attendre ou même de s’abstenir.

A 37 ans je me demandais ce qu’était cette horloge biologique dont ma mère et ma sœur me parlaient. Je continuais ma petite vie, et au mérite, j’évoluais dans ma vie professionnelle. Je rentrais chez moi comme d’habitude sauf que mes chez moi devenaient de plus en plus grand et de mieux en mieux meublés. J’habitais un quatre pièces dans le 11ème, un arrondissement où de plus en plus de familles venaient s’y installer, quittant leur appartement de célibataire ou de jeune couple. Ils se plaignaient des prix et de la rareté des logements et cachaient mal leur indignation de me savoir seule dans un appartement aussi grand. Comme si l’espace était réservé aux familles. Je ne recevais plus, par lassitude d’entendre qu’ils ne pouvaient se permettre d’avoir des meubles comme les miens, car avec les enfants… Je me contentais d’apéro au Pause Café (à la terrasse pour pouvoir parquer les poussettes). Pour les sorties, j’avais de plus en plus d’amis homo qui avaient envie de s’amuser ou de dîner tranquillement au restaurant.

A 39 ans, j’avais renoncé à l’idée d’avoir des enfants, même si ce que j’en avais vu ne m’en avait jamais donné envie. Le jour de mon anniversaire, je décide d’une soirée calme avec mes amis gays les plus proches. Un restaurant sans prétention mais qui sert du bon vin. Ca ne manque pas dans mon quartier. Le choix fut vite fait. Le restaurant qui en plus d’être bon ne servait jamais de Bordeaux pour éviter les notes trop salées. Nous sommes cinq. Nous rions, nous buvons bouteille sur bouteille. Mes amis me parlent de leur vie, de leurs amants d’un soir, de leur travail. Je me sens bien. J’ai beaucoup bu et je me retire dans les toilettes pour reprendre mes esprits. Je me concentre pour la montée des escaliers qui mènent aux toilettes et je me crois à Cannes, marche par marche. J’entends quelqu’un qui monte aussi derrière moi. J’arrive enfin, j’ouvre la porte et une personne la retient pour moi. Un homme qui m’aborda de la façon suivante : « j’ai dû vous suivre jusqu’ici pour vous parler, on serait mieux chez moi pour discuter, passez demain pour un brunch, j’invite quelques amis ». Et il me donne sa carte. Puis il s’en va. Et moi, je reste là. Incapable de le décrire, je ne sais même pas de quelle couleur sont ses yeux. Je me lave encore une fois les mains et rejoins mes amis. J’avais caché sa carte dans mon soutien-gorge car je ne voulais pas en parler. Au fil de la soirée, je sentais le carton de la carte me chauffer la poitrine. Je me couchais tard et ivre ce soir là, et je me réveillais en panique vers 11h, me souvenant de la chaleur d’une carte de visite dans mon soutien-gorge.

Et me voilà sautant dans un jean et des baskets, courant à la boucherie acheter un rôti que je rentrais préparer en prenant bien soin à ne pas le rater. Concentration extrême, aidée de deux Alka Selzer. A midi et demie, j’étais devant sa porte et je sonnais, le rôti dans les bras. Je tombais enceinte ce jour.

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