secretsdecuisine - La plus belle femme du monde
   
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LA SOUPE DE POIS CHICHE

 

 

200g de pois chiches que vous aurez trempés dans l’eau froide toute la nuit

1 oignon

2 carottes

1 cuillère à soupe de curcuma

1 cuillère à soupe de cumin

1 clou de girofle

1 petit bouquet de coriandre ou de persil plat

2 gousses d’ail dégermées

Sel et poivre

 

Dans une cocotte faites revenir dans de l’huile chaude l’oignon et les carottes découpés en petits dés aussi fins que possible. Ajoutez le curcuma, le cumin et l’ail, la moitié du bouquet de coriandre ou de persil, le tout avec un demi verre d’eau. Laissez mijoter à feu doux en remuant. Lorsque la préparation a épaissi, ajoutez les pois chiches et bien les mélanger. Surtout ne salez pas.

Ajouter deux litres d’eau et laissez cuire à feu moyen pendant deux heures. Salez et passez au mixeur à peine une minute. Passez au chinois puis remettez sur le feu, portez à ébullition pendant 10 minutes en remuant bien. Versez dans des bols et ciselez quelques feuilles de coriandre ou de persil dessus. Servez.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La plus belle femme du monde

 

 

Kifech el hal Monia ?

Mechi !

Comment vas-tu aujourd’hui Monia ?

Mechi !

Bonjour Monia ! Ca va ?

Mechi !

Maman elle me disait toujours, l’œil, c’est celui qui mange en premier. Si un plat était beau, la faim était presque apaisée. Moi je pense qu’avant de l’appliquer à son plat, la femme devrait se l’appliquer à elle-même. Un mari peut rester un petit moment affamé si sa femme s’est faite belle et lui demande d’attendre. Par contre si elle est en haillons, chaussons, ni coiffée, ni maquillée, il n’entendra que sa faim.

Pendant des années, j’ai été la femme la plus heureuse de mon quartier. Tu me parle de cuisine, moi je vais te parler d’amour. Ma cuisine, c’était la meilleure du monde, parce qu’elle était gorgée d’amour, il y en avait tellement qu’elle débordait d’amour !

Le secret c’est qu’une femme peut matérialiser l’amour dans un plat. Cet ingrédient là, il est unique. L’homme aura beau le chercher ailleurs, il reviendra toujours chez lui. Voilà le vrai secret pour garder son homme, le faire manger ton amour !

Quand je me suis mariée, il y avait en moi une sorte de bonheur insolent. A n’importe quelle heure du jour et de la nuit, à n’importe quelle période de notre histoire nationale, à n’importe quel moment de tristesse, de deuil ou de problème, j’étais tout au fond de moi heureuse. C’est le bonheur d’amour. J’ai aimé mon mari si fort que tout cet amour me protégeait comme un bouclier. Je ne dis pas que je n’ai pas pleuré, que je ne sentais pas la douleur, morale (surtout quand j’ai perdu mon père) ou physique (j’ai été péniblement malade) mais le bonheur d’amour était toujours avec moi.

Tous les jours, je me lèvais une heure avant mon mari. Je me lavais, je me parfumais légèrement avec une crème pour le cœur à la rose. Oups ! J’ai dit une crème pour le cœur, alors que je voulais dire une crème pour le corps (jazad) pas pour le cœur (alab) ! Je brossais mes cheveux, je me lavais les dents, je mettais le café en route et je retournais dans le lit auprès de mon petit mari. Pendant 40 ans, mon mari s’est réveillé avec la plus belle femme du monde à ses cotés !

 

Nous avons tous nos petites habitudes dans les couples. Je communiquais beaucoup avec mon mari par la cuisine. Il connaissait mes humeurs dès qu’il voyait le dîner arriver. S’il y avait des petits légumes, un dessert parfumé, il était sur que j’étais de bonne humeur parce qu’il savait qu’éplucher les légumes, faire des petits desserts fins me prenait du temps et me demandait une disponibilité d’esprit. Mais, si il voyait débarquer sur la table des pommes de terre cuites à l’eau avec une viande informe, pas marinée, mal grillée, là, il pouvait commencer à se poser des questions ! Il a de la chance parce que je ne suis pas une caractérielle, mais si je suis fâchée, le repas est immangeable, c’est comme ça.

Une fois nous avons eu une grosse dispute pour des histoires très banales de couples. Je lui avais dit que je partais voir ma mère quelques jours et il a dû l’oublier. Lorsqu’il ne me voyait pas rentrer, il s’est inquiété. Il a d’abord pensé que je l’avais quitté car la veille nous avions eu quelques mots sur un terrain qu’il ne voulait pas acheter. Il a attendu jusqu’au matin sans dormir et je ne revenais toujours pas. Il n’a pas osé demander à mes amies où j’avais bien pu disparaître car il ne sortait jamais à l’extérieur nos histoires de couple. Il s’est gardé d’appeler ma mère car si je n’étais pas chez elle, il ne voulait pas l’inquiéter pour rien. Alors il a pris son mal en patience, sans dormir ni manger. Les idées noires ont commencé à le travailler et il était persuadé que j’avais un amant que j’étais partie retrouver et que je ne reviendrais jamais ou bien si je revenais, il devait s’y opposer afin de ne pas être déshonoré. Pendant ces quelques jours, ils essayait de se faire à sa nouvelle vie sans moi en se disant qu’il devait m’oublier le plus vite possible.

Lorsque je suis rentrée, toujours aussi belle, il s’est ému de me voir et lorsqu’il s’est finalement souvenu que je devais partir chez ma mère et qu’il l’a constaté, par les fleurs et les petits plats que j’apportais dans mon cabas, il s’est mis à pleurer et à me demander pardon pour les pensées méchantes et stupides qu’il a eu.
Intriguée, je le questionnais. Parmi ces idées stupides, hormis celle que je le quittais pour rejoindre un amant, il y avait celle de voir une prostituée pour effacer le souvenir de mon corps, mais, me disait-il, il n’a pas pu aller au bout de sa démarche car il m’aimait trop. Il me jurait qu’il n’était même pas arrivé à la rue, qu’il avait fait demi tour avant même d’en avoir aperçue une et qu’il s’était arrêté à l’idée.

Rien n’y faisait. Je lui avais fait la tête pendant un mois, au point qu’il s’achetait un petit sandwich avant de rentrer, pour être sur qu’il ingurgiterait quelque chose ayant un goût avant de se coucher. Dans notre pays, si un homme refuse de manger la nourriture de sa femme, c’est un vrai manque de respect, alors je jouais sur sa culpabilité, parce que je lui en voulais. Le pauvre, pour ne pas me mettre encore plus en colère, il était obligé de goûter à toutes les choses écœurantes que je lui servais. Les premiers jours je faisais même cuire la viande dans de l’eau chaude! Quel gâchis !

Bien sur, moi je continuais à prendre soin de moi. Les repas ne me préoccupant plus guère, je n’en avais que plus de temps pour moi. Tous les jours, j’étais très belle, je prenais exemple sur des films que je regardais à la télévision, je m’habillais différemment en associant des matières, des couleurs, je tentais de nouvelles coiffures et un jour, j’ai même teint mes longs cheveux en blond vénitien. Avec mon teint clair, ma ligne fine, mes déshabillés, mes talons, je me prenais pour une actrice italienne et je me sentais splendide. Mon mari à coté de moi ne voyait que mes airs sévères et ne profitait de moi que lorsque, le dos tourné, il retrouvait la douceur du corps de sa femme, le mouvement de ses cheveux, la souplesse de ses gestes. Mais il suffisait que je lui apparaisse de face pour qu’il reprenne sont air pitoyable et attende la fin de ce long chemin de croix.

C’était notre plus grosse dispute et on s’en souvient encore ! Alors à la fin, pour lui montrer que ça allait mieux, et aussi parce que j’étais sure qu’il avait retenu la leçon, je lui ai fait sa soupe de pois chiche. Celle qu’il adore, celle que j’avais préparée après notre première nuit d’amour. Cette soupe là, c’est mon code pour les belles nuits d’amour. Je m’étais appliquée, j’ai commencé à la préparer la veille pour que les épices révèlent bien leur gout. Je l’ai faite cuire lentement, elle était plus épaisse que d’habitude… Avant qu’il ne rentre du travail, j’ai mis une belle table. Tout était blanc pour symboliser une déclaration de paix. La nappe et les serviettes sentaient bon le savon d’Alep. Moi-même revenais du hammam, soigneusement lavée et épilée. J’avais enfilé une robe vaporeuse blanche, des chaussures dorées à très hauts talons, la couleur de mes cheveux était intense et j’avais demandé à la coiffeuse de me faire de belles boucles larges pour encadrer mon visage.

J’ai senti son soulagement lorsqu’il est rentré. Il est allé se laver les mains et il s’est changé pour une tenue que je ne lui connaissais pas encore. Il était décontracté, son pantalon beige et sa chemise prune lui allait à ravir. Il avait même remonté les manches comme je lui ai appris à le faire (car je ne supporte pas les chemises à manches courtes). Il s’était parfumé aussi. Et il s’est mis à table et a déposé sur la nappe un papier plié en quatre sur lequel était inscrit mon nom. J’ai pris son mot et je ne l’ai jamais ouvert.

Je lui ai servi la soupe, il l’a goutéeet il est resté sans rien dire. Moi, je pensais qu’il allait me sauter dessus, que nous serions réconciliés avant qu’il ne termine son assiette. Mais non ! Ma soupe, elle a eu plus de succès que moi. Il est resté à table et il a vraiment dégusté sa soupe, il m’a fait penser à un prisonnier que remangeait normalement après sa sortie.

Ah ! Je m’en suis toujours bien occupé de ce petit mari. Ca il ne pourra pas le nier. Même quand j’ai été malade, il comptait sur moi comme d’habitude. J’ai eu une longue maladie, de celles que l’on ne nomme pas. J’étais surprise de savoir qu’il existait dans d’autres pays des associations d’information sur ces maladies. Nous, nous en avons peut être mais quand on tombe malade, on n’en parle pas, et quand ça se voit, c’est les autres qui n’en parlent pas. En tous cas, c’était comme ça il y a quelques années.

Je n’avais pas la grande forme, mais ma préoccupation première ce n’était pas ma santé, c’était mon mari ! Je continuais à faire comme si de rien n’étais alors que je souffrais. Quand tu es une femme, que tu as toujours été belle, tu ne supportes pas de te dégrader. Je faisais encore plus d’efforts. Mais quand ils m’ont enlevé le sein, je n’y suis plus arrivé. Je n’ai pas pu. Quand je suis enfin rentrée chez moi, j’ai essayé de me remettre dedans, mais j’étais perdue. Je n’avais plus la force de me concentrer sur moi, sur ma vie, sur mon mari. Il l’a très mal vécu, je l’ai habitué à beaucoup d’attention et je me suis rendu compte qu’il n’en avait que très peu pour moi. Il n’avait pas l’habitude de m’aider et je crois qu’il n’acceptait pas ma maladie parce qu’il ne pouvait pas m’en protéger, elle le dépassait, parce que ce n’est pas arrivé pour une raison extérieure qu’il pouvait expliquer ou combattre. Non, c’était là et il n’y pouvait rien. Et moi, je la portais, et je n’étais plus la même. Je n’étais presque pas une femme, avec une prothèse, une libido catastrophique, le visage enflé, des problèmes de poids, je n’avais aucun attrait physique. Et pourtant, j’avais une force.

J’ai fais tous les efforts que je pouvais, j’ai préparé les petits plats comme d’habitude, rien de très excitant, des plats sobres, en grande quantité et que je pouvais réchauffer le lendemain pour m’éviter trop de peine. Un soir, j’ai refais ma soupe. Même si elle n’est pas si difficile à faire, elle m’a demandé beaucoup de concentration. Je l’ai servi avec du pain que j’avais acheté chez l’épicier (d’habitude, c’est moi qui le cuit). Nous nous sommes assis en silence. Et nous avons mangé en silence.

Mon mari s’est effondré en pleurs, il n’avait aucun mot qui sortait, juste des larmes salées qu’il s’efforçait d’avaler. Il ne me regardait pas. J’ai sentis que je ne pouvais plus lui faire croire qu’il se réveillerait avec la plus belle femme du monde. L’amour est une chose et je pensais qu’il m’avait ouverte à tous les bonheurs de ma vie. Ce que j’ai surtout compris c’est que j’étais amoureuse de moi, et c’est de cet amour de moi que tous les bonheurs me sont venus. J’étais l’aimant de ma propre vie. Si mon mari pleurait c'est qu'il venait de sentir ma force et il redoutait sapropre inertie. S’il ne m’avait pas épousée, il n’aurait pas eu cette vie car il n’aurait pas été capable de faire naître et d’entretenir ce que j’avais semé entre nous. Tout cet amour était en fait à moi et c’est par cet amour que j’avais décidé de guérir.

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